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Le futur du journalisme est illustré de meilleurs desseins.

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Les destins du dessin et du journal(isme) sont croisés depuis des siècles (1607, selon HistoryBuff). La caricature a occupé une place importante dans l’histoire, de la Révolution français jusqu’au printemps arabe en passant par le magazine MAD et les dessins de Mahomet dans Charlie hebdo. Au 19e siècle, l’âge d’or du comic en Amérique du Nord, les magnats Hearst et Pulitzer se faisaient la guerre en proposant des séries dessinées destinées à fidéliser une classe ouvrière qui n’avait encore ni la télévision ni le cinéma. Internet n’a pas épargné les cartoonists et autres dessinateurs. Les journaux n’ont plus d’argent pour les payer, et le web offre une vitrine gratuite, dématerialisée et universelle pour s’exposer.

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Le nom explique bien ce que c’est: du journalisme à travers le médium du dessin en séquence. Plusieurs auteurs de graphic novel ont contribué à faire reconnaitre la discipline: le travail de Art Spiegelman (Maüs, récompensé d’un Pulitzer), Mariane Satrapi (Persepolis), Joe Sacco (Palestine, une nation occupée) ou Guy Delisle (Chroniques birmanes) en sont des exemples bien connus. Dan Archer, du site ArchComix, en a fait un historique illustré (cliquez sur l’image pour l’expérience globale):

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Avec l’adoption massive des tablettes comme interface pour experimenter le web, les bédés, le texte, les photo, la musique et les films, il s’est développé une forme amélioré du journalisme illustré. Le journalisme traditionnel en a déjà bénéficié avec des superbes applications/magazine/ebok comme Matter, The-Magazine ou McSweeney (qui a d’ailleurs commissionné pour son app une magnifique histoire du graphic novelist Chris Ware).

Maintenant, ce sont les récits illustrés qui harnachent le potentiel inouï de la narration interactive contemporaine (ex: 1 et 2).

Les avantages:

A) C’est une forme de narration engageante/agréable pour le lecteur.
B) Elle permet à la fois d’aborder en surface le sujet, mais aussi de l’approfondir si désiré avec des liens vers d’autres sources.
C) Permet un compromis idéal pour illustrer des scènes difficiles et/ou des situations où l’intrusion de caméras est non-souhaitable.

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Symbolia est le premier magazine à être consacré au genre. Le premier numéro est gratuit, et est disponible en PDF ou sur l’application iPad. On y trouve entre autre un portrait socio-géographique de la mer de Salton près de San Diego, une exploration du rock psychédélique zambien et le régime miracle d’un microbiologiste chinois. Le deuxième vient tout juste de paraître, et est tout aussi intéressant, notamment l’histoire des candidats de tierce-partis dans les élections présidentielles américaines.

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The Atavist propose aussi des «richly reported, original nonfiction stories» pour iPad, iPhone et web. Une histoire à chaque mois. Stowaway, qui suit le périple d’un immigrant kenyan, est un excellent point d’entrée. Ce collectif de raconteurs et de développeurs planche présentement sur un outil en ligne permettant de facilement «enrichir» les histoires pour l’ère numérique. Il sera ensuite possible de la publier sur n’importe quelle plateforme.

Si l’outil est fiable et efficace, cela pourrait permettre de surpasser la principale barrière du média: la pluridisciplinarité. Un grand nombre de créateurs n’ont pas nécessairement l’omnipotence nécessaire pour mener un projet mélangeant vidéo, illustration et rédaction, même s’ils ont probablement de bonnes histoires et sujets.

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Quiconque a dans ses mains une tablette avec une histoire conçue pour elle doit se rendre à l’évidence: il s’approche un peu du futur. Après plusieurs mois d’utilisation de iPad, j’ai enfin trouvé une manière complètement adaptée et exclusive de consommer des histoires. C’est un courant de journalisme que ne devrait pas ignorer les magazines/journaux d’ici qui ont fait récemment une transition coûteuse vers ces technologies, et qui cherchent désespérément à se réinventer avant leurs compétiteurs.