Ce que la condamnation de Ross Ulbricht change (même pour ceux qui ne contrôlent pas d’empire criminel)

ulbricht

C’est fait. C’est dans les livres: Ross Ulbricht a été reconnu coupable d’être le fondateur, propriétaire et gestionnaire du site Silk Road.

La Couronne visait à lier Ulbricht à ‘Dread Pirate Roberts’, le pseudonyme qui était indubitablement central au site de commerce anonyme en ligne. La Défense cherchait elle à établir que ‘DPR’ pouvait avoir été/être une multitude d’individus, et qu’Ulbricht avait été piégé par d’autres.

Il aura fallu seulement trois heures et demie au jury pour en venir à la conclusion que les multiples occurrences entre les activités de ‘Dread Pirate Roberts’ et Ulbricht par la Couronne étaient plus solides que les thèses conspirationnistes de Dratel et Ulbricht. Ce n’est pas une surprise: plusieurs ont noté que la Défense a fait des choix tactiques discutables et que la fardeau de la preuve contre Ulbricht était accablant.

Les éléments principaux de preuves qui leur ont été présentés de par et d’autres se résument ainsi:

La Couronne:

– Ross a été arrêté dans une bibliothèque de San Francisco pendant qu’il chattait avec un agent-double du Homeland Service, alors qu’il était «loggé» sur le compte “/mastermind” de Silk Road.

– Un journal personnel remontant à 2010 qui détaille les étapes de créations de Silk Road et des activités (voyages, maladies, conversations, etc.) qui concordent avec la vie de Ulbricht (via Facebook et ses courriels).

– Un disque dur portatif contenant une copie du site Silk Road, trouvé sur la table de chevet de Ulbricht.

– 144 000 bitcoins retrouvés dans l’ordinateur de Ulbricht, dont au moins 20 % a transité par Silk Road.

La Défense:

– Il est difficile, voire impossible, de savoir qui est derrière une identité numérique.

– Ulricht n’a pas les connaissances techniques pour avoir monté au complet Silk Road.

– Il a obtenu ses bitcoins sur les marchés financiers.

– La tenue d’un journal aussi détaillé et incriminant est suspecte, et ne cadre pas avec la minutie de ‘DPR’.

– Deux fichiers sont apparus sur l’ordinateur de Ulbricht après son arrestation.  Et d’autres fichiers incriminant auraient été téléversés sur son ordinateur.

Ulbricht est donc coupable de participation à des activités criminelles; de trafic de stupéfiants, de piratage informatique, de blanchiment d’argent et de conspiration en vue d’obtenir de fausses cartes d’identités, dont les peines combinées minimum s’établissent à 30 ans. La perpétuité n’est pas inexclue.

Mais ce procès est digne d’intérêt même pour ceux qui ne gèrent pas un empire criminel, puisqu’il crée un précédent dans de nouvelles sphères légales.

D’abord, cette condamnation va permettre d’inclure les monnaies virtuelles dans les lois contre le blanchiment d’argent. C’est aussi le procès de TOR, un logiciel qui permet de rendre anonyme le trafic internet et dont dépendait Silk Road. Bien que parfaitement légal et même financé par le gouvernement américain, le réseau est de plus en plus présenté – à tort – comme le repère des pédophiles et de djihadistes. Le danger est que dorénavant, la simple volonté de recourir à des logiciels ou des protocoles permettant l’anonymat en ligne soit vu comme suspect.

Plus important, le dévoilement de la preuve de la Couronne durant le procès a donné un aperçu des moyens et des méthodes les plus à jour des services policiers. La localisation et l’obtention d’une copie du serveur de Silk Road en juillet 2013 a fait débouler l’enquête. Tout indique que le FBI a obtenu illégalement l’emplacement du serveur  (en Islande), puis a flirté avec les limites la loi (le 4e amendement) en le fouillant sans mandat. Leur argument, que la juge a finalement retenu: étant donné que personne n’a réclamé la propriété du serveur, lui-même hébergé chez un tiers, ils ne peuvent avoir enfreint ses libertés. Profitant dorénavant de la bénédiction d’une conviction, ces méthodes d’enquêtes plus que discutables sont appelées à être répétées.

Ces raffinements tactiques des forces de l’ordre confirment surtout que le hacker n’est plus le prédateur apex du web. Le mythe du jeune crack en informatique qui tourne au ridicule le mangeur de beigne moyen n’existe plus. Les États-nations et leur services policiers dominent désormais la chaîne alimentaire du web, ayant à leur disposition des ressources, de l’influence, de l’argent et un enrobage légal qu’aucun réseau indépendant ne peut compétitionner. La rapidité et la persistence avec laquelle Ross Ulbricht a été associé à six commandes de meurtres, crimes pour lesquels il n’existe aucune preuve et qui n’ont donc pas été inclus au procès, laisse penser que le gouvernement cherchait à démolir par tous les moyens l’accusé.

La stratégie de prédilection de l’État et ses exécutants est de profiter du meilleur du nouveau et du pire du vieux: exploiter des zones grises légales à l’aide de techniques de surveillance avancées et d’interprétation de lois inadaptées à la réalité d’aujourd’hui, le tout sanctionné par un des balises judiciaires inféodées. Le cas d’Edward Snowden, accusé selon des lois datant de 1917 pour éviter qu’il puisse invoquer la protection réservée aux lanceurs d’alerte («whistleblower), est un autre exemple probant de ce «new deal».

Cependant, il y a fort à parier que les entrepreneurs du darkweb, «freedom fighters» et autre «black hat» ont suivi avec attention ce procès, et pris note des erreurs – certaines grotesques – d’Ulbricht et des méthodes de la police. Le prochain ‘DPR’ occupera certainement plus longuement les jurés.

Silk Road: Pas une fin en soi(e).

silk_road_seized

SWIM («Someone who isn’t me», pour reprendre une nomenclature connue) aimait profondément Silk Road. Sa discrétion, son ingéniosité de mélanger les avantages de la cryptographie avancée et de l’archaïque courrier. SWIM ne jurait que par la variété et la qualité inégalée des psychotropes qu’on y proposait. Il avait confiance au système mis en place pour évaluer les vendeurs. Il passait des heures à lire les conseils, commentaires, recommandations d’une communauté qui échangeait librement et sans jugement sur les façons optimales de consommer toutes les substance, autant pour que la première fois soit agréable que pour que l’expérience soit reproductible le plus longtemps possible.

À l’annonce de la saisie de Silk Road et de l’arrestation de son supposé créateur, SWIM a observé deux grandes familles de réactions : les «c’est quoi ça?» et les «Ben là, c’était évident qu’il allait se faire pogner!», «Acheter pis vendre de la drogue sur internet, c’est comme dans la vraie vie, c’est illégal».

Et pour vrai, le deuxième groupe gosse. Parce qu’il ne comprend pas plus Silk Road que le premier.

La «vente de drogue» n’était pas la fin en soi de l’entreprise.

SR, vécu de l’intérieur, c’était une tentative utopique, un essai sincère, un «beau risque». SWIM a toujours vu la difficulté d’y accéder comme une barrière que seuls les plus motivés franchissaient. À chaque fois que SWIM y entrait, il se sentait comme dans la toune Le Dôme de Jean Leloup.

C’était une solution durable, à petite échelle, misant autant sur l’éducation et le partage de connaissances que sur une qualité et une diversité de produits disponibles pour tous, partout. Quelque chose que le marché noir traditionnel n’a pas l’intérêt à émuler. Un système que seuls des passionnés peuvent mettre et maintenir en place. C’est le même argument qui s’applique dans l’agroalimentaire pour justifier la pertinence du bio, du local, de la traçabilité.

Bien sûr, les gens qui y participaient entraient dans une relation de marché, avec des acheteurs, des vendeurs et des profits. So what. Il ne passera jamais dans la tête de SWIM de s’indigner que le producteur de son poulet de grain tentent d’en vivre. C’était, en partie, illégal. OK. Mais la loi et la moralité sont de drôles de piliers sur lesquels poser ses convictions: ils sont toujours moins solides qu’on les pense, et quand ils s’écroulent, ceux qui s’y accrochent ont toujours l’air ridicules. La ligne entre «criminel» et «activiste des libertés civiles et individuelles» est, historiquement, toujours très relative. #assange #snowden #benladen #tsetoung #stalline #lutherking #parks #mandela #guevara #schindler #milk

SWIM se considère comme un cynique. Mais à SR, il y croyait. Maintenant que c’est tombé, SWIM demande sincèrement à ceux qui jugent SWIM d’avoir participé à une alternative concrète au statu quo: C’est quoi votre solution à la gestion des substances psychotropes? Ça ne peut pas être la prohibition… Alors, c’est quoi?

 

Le futur du journalisme est illustré de meilleurs desseins.

symbolia

 

Les destins du dessin et du journal(isme) sont croisés depuis des siècles (1607, selon HistoryBuff). La caricature a occupé une place importante dans l’histoire, de la Révolution français jusqu’au printemps arabe en passant par le magazine MAD et les dessins de Mahomet dans Charlie hebdo. Au 19e siècle, l’âge d’or du comic en Amérique du Nord, les magnats Hearst et Pulitzer se faisaient la guerre en proposant des séries dessinées destinées à fidéliser une classe ouvrière qui n’avait encore ni la télévision ni le cinéma. Internet n’a pas épargné les cartoonists et autres dessinateurs. Les journaux n’ont plus d’argent pour les payer, et le web offre une vitrine gratuite, dématerialisée et universelle pour s’exposer.
Read More

Je n’ai pas l’afficheur ou Guide pour les télécommunications efficaces au XXIe siècle.

Je n’ai pas l’afficheur.

1) Parce que j’ai déjà testé un vrai système de cellulaire dans d’autres pays, je trouve que c’est une des plus grandes crosses que les compagnies d’ici poussent. Dans les «vrais» systèmes, afficher le numéro (et souvent le nom) qui appelle, c’est une fonction gratuite (parce qu’elle ne coûte rien de plus aux compagnies). Ici, on les bloque délibérément pour surcharger.

Read More

Rire avec 0droguepourmoi

J’ai déjà parlé ailleurs dans l’internet de la campagne fédérale 0 drogue pour moi. Je me fâche aussi à chaque fois que je vois le «Avant/Après» ridicule dans le réseau de la STM. Évidemment qu’ils nous prennent pour des épais, et que c’est frustrant de voir des impôts détournés en pure délire démagogique/idéologique.

Mais heureusement qu’on a les réseaux sociaux.

Read More

Pour une poignée de bitcoins (paru dans Nouveau Projet)

La fin du dollar américain comme devise quasi universelle, la mort possible du rêve d’un euro unificateur et pacificateur et l’apparition de devises numériques dématérialisées nous forcent à concevoir les devises comme une facette d’un combat entre les différentes façons d’imaginer le monde. Un monde qui s’articule maintenant autour de l’internet. Quant à la monétisation de l’internet, deux modèles diamétralement opposés s’offrent en ce moment: les bitcoins de Satoshi Nakamoto et les Facebook Credits de Mark Zuckerberg. Adopter l’un ou l’autre (ou les deux) sous-tend forcément un choix philosophique quant à la forme que l’internet devrait prendre. Le corporatisme opaque d’une multinationale omnisciente s’oppose à un chaos volontaire et décentralisé, où la liberté personnelle est régulée par les individus eux-mêmes. Ce dernier scénario peut sembler familier: il s’est reproduit chaque fois que l’homme a colonisé un nouveau territoire. Et l’internet, dernier continent sauvage, sera le territoire de ce nouveau combat entre les institutions et notre désir, inné et irrépressible, de contrôler notre propre destinée.

Le reste de l’article est disponible en ligne.

*Publié originellement en 2012.

Petit traité de .GIF animé

Il appartient à chaque génération de créer ses modes de communication. C’est essentiel pour une panoplie de raisons, dont les trois plus intéressantes et importantes me semblent être:

A) S’affranchir des moyens de communication de la génération précédente;
B) Inventer des médiums appropriés aux contenus propre à cette génération;
C) Coder les messages pour que seuls les destinataires prévus puissent les assimiler.

Les exemples dans la culture populaire sont nombreux:
-Robin et Stella qui communiquent par leur corridor secret, pour pouvoir vivre leurs aventures sans que les parents psychopathes de Robin s’en aperçoivent.
-Mahée et son ami dans Bach et Bottine qui se parlent par boîtes de conserve.
-Les poignées de main impossibles de Marc-André Coallier dans Le Club des 100 Watts.

Le GIF animé est, à mon sens, le médium emblématique de la génération LOL, qui se définit par sa compétence à utiliser l’informatique pour communiquer et apprendre.

Read More

L’empire du LOL (paru dans Urbania)

Le 15 février 2009, Guy A. Lepage reçoit Rick Astley, le sympathique has been british. Dans un rare moment de pertinence de l’émission, on lui demande ce qu’il pense du Rick Roll, ce leurre qui redirige l’internaute naïf vers le clip de «Never gonna give you up». Les yeux de poissons de Dany Turcotte, de Catherine Trudeau et du ¾ des spectacteurs sur le plateau de Tout le monde en parle veulent tout dire : y’a pas un chat dans l’édifice de Radio-Canada qui semble savoir de quoi on parle. On montre un exemple. Silence malaisant. Personne ne trouve ça drôle.

Read More

Les trolls n’ont pas tous les cheveux mauves et des faces fripées.

Une des pires accusations qu’on peut te faire au secondaire, c’est de dire que tu fais de l’intimidation. C’était vrai à mon époque, ça semblait être aussi présent dans les années 50, et c’est sans aucun doute une réalité contemporaine.

Certains semblent penser que l’internet a empirer le phénomène, en multipliant les avenues et les plateformes où l’intimidation peut se répandre. C’est certainement vrai.

Mais je suis aussi d’avis que le web a permis de trouver un exutoire utile pour canalyser cette énergie destructrice. Parce qu’au final, ce n’est pas l’acte de destruction qui est réprimandable, c’est sa cible. Et Dieu sait qu’il y en a des claques à donner et des affaires à amocher. Read More