Textes

Les trolls n’ont pas tous les cheveux mauves et des faces fripées.

Une des pires accusations qu’on peut te faire au secondaire, c’est de dire que tu fais de l’intimidation. C’était vrai à mon époque, ça semblait être aussi présent dans les années 50, et c’est sans aucun doute une réalité contemporaine.

Certains semblent penser que l’internet a empirer le phénomène, en multipliant les avenues et les plateformes où l’intimidation peut se répandre. C’est certainement vrai.

Mais je suis aussi d’avis que le web a permis de trouver un exutoire utile pour canalyser cette énergie destructrice. Parce qu’au final, ce n’est pas l’acte de destruction qui est réprimandable, c’est sa cible. Et Dieu sait qu’il y en a des claques à donner et des affaires à amocher.

Le «trolling» est probablement une des plus belles inventions du web, mais aussi la moins comprise. En fait, c’est pas mal le concept du truc: exclure. Une inside joke partagée par des millions de personnes, mais qui en laisse quand même des milliards d’autres derrière.

L’expression vient de la pêche (trolling, c’est pêcher au filet, en français): le but, donc, c’est de pogner les poissons. Le filet discrimine: les habitants de la mer qui savent reconnaître le bruit du bateau et l’agitation de la mer à l’approche des pêcheurs se poussent. Les autres se font pogner. Au plus grand plaisir des épargnés.

Je crois que l’image du Troll n’est pas complètement fausse non plus: Une créature chimérique démesurée et kamikazée dans des grandes batailles. Un genre de Goblin-Golem-Léviathan numérique.

En fait le plus grand clivage entre les générations n’est pas une question de technologie, de maîtrise du médium ou d’accès, mais tient à ce fondement du «vrai» internet, celui qui n’est pas lavé et encadré par ceux qui ont rendu stérile la télévision: l’art, et le plaisir subséquent, de faire des choses méchantes/de rire du monde qui le méritent.

En gros, l’internet se divise en 2 catégories, ceux qui trouvent des vidéos comme ça très drôle, et les autres :

L‘affaire Wikileaks devrait être surtout soulignée parce qu’elle a permis au «trolling» d’entrer dans le mainstream. Même si très peu de journalistes ont poussé la réflexion et la recherche à savoir d’où venait ses fameux «Anonymous» qui ont fait planter Visa et Mastercard. Ça me semble incontournable de parler du reste de l’Iceberg quand on évoque sa pointe, mais, hey, c’est pas moi qui a une date de tombée qui pend et un rédac’ chef qui me chauffe les oreilles.

Voici ma théorie personnelle sur le raffinement et du développement du trolling sur le web: Les membres des communautés au coeur du trolling (4Chan, Encyclopedia Dramatica, Futaba, 711Chan) sont fortement constitués de nerds. Or les geeks constituent la cible universelle du bullying dans l’imaginaire collectif. Un peu comme Al-Qaïda a été financé et formé aux méthodes de la CIA, les terreaux d’«hacktivisme» sont peuplés de gens très au fait des techniques efficaces d’intimidation, pour les avoir subies en première ligne.

Les secousses sismiques ressenties périodiquement dans le monde civilisé extra-internet [tels les gels des sites de Mastercard et Visa] sont à mon avis l’écho d’un demi-siècle de règne social des jobbeux et des fermiers. Maintenant que les pouvoirs de l’économie et du cool sont tombés entre les mains des malingres à lunettes, on peut s’attendre à un peu veangeance.

Consequences will never be the same, comme dirait l’autre.